
Désormais, une piqûre tous les deux mois permet d’éviter de contracter le virus. Cette même méthode pourrait être utilisée pour traiter les séropositifs.
C’est un rituel. Depuis trente-trois ans, le 1er décembre est la journée mondiale contre le sida. Mais cette année, une pandémie en chasse une autre. Au point que l’Onusida s’est inquiétée la semaine dernière, non sans raison, que «le Covid-19 n’aggrave le retard pris par la riposte face au sida», et «invite de toute urgence les pays à tirer les leçons du financement insuffisant de la santé et à prendre des actions à l’échelle mondiale pour mettre un terme au sida et aux autres pandémies». Ces temps-ci, pourtant, il y a du mouvement sur le front du sida en matière de traitements et de prévention. Une somme de petits pas qui, au final, bouleversent les pratiques.
Reprenons. A la fin des années 80, lors des premières journées mondiales du sida, les traitements balbutiaient. Ils étaient terriblement contraignants – pour l’AZT, c’était une prise toutes les quatre heures, sans compter le risque d’effets secondaires graves. Les améliorations étaient donc très limitées pour le patient. Avec l’arrivée des trithérapies, en 1996, un pas de géant a été franchi : certes, les malades étaient obligés de prendre des dizaines de pilules quotidiennement, mais ça fonctionnait remarquablement bien. Peu à peu, le traitement a été simplifié et il existe désormais des trithérapies très efficaces ne réclamant qu’un seul cachet par jour.
Presque un vaccin. Et voilà que depuis quelques mois est arrivé un autre antirétroviral, qui se prend par injection à raison d’une fois par mois, voire tous les deux mois. Ça change la vie des patients. Fini les prises quotidiennes. Mieux encore, ces dernières semaines, des études ont montré que cela pouvait aussi très bien fonctionner en prévention. Presque un vaccin, en somme…
Depuis maintenant près de cinq ans, s’est développée la «Prep» (prophylaxie pré-exposition), une pilule à prendre soit tous les jours soit vingt-quatre heures avant une prise de risque et pendant les deux jours suivants. Cela donne d’excellents résultats, en particulier pour les relations homosexuelles, avec un taux de prévention proche des 100 % si la personne suit bien le protocole.
Restait un peu d’incertitude sur l’efficacité pour la femme. Or une étude publiée en novembre révèle que le cabotégravir – un antirétroviral à injecter tous les deux mois – empêche presque totalement les infections au VIH chez les femmes. «Ces résultats sont extrêmement importants, a réagi Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’Onusida. Nous demandons depuis longtemps des options supplémentaires, acceptables et efficaces, de prévention du VIH pour les femmes et cet antirétroviral pourrait changer vraiment la donne.» Ajoutant même : «Si les donateurs et les pays investissent dans la démocratisation de l’accès à une Prep injectable destinée aux femmes exposées à un risque élevé de contamination au VIH, alors cela permettrait de baisser considérablement les nouvelles infections.»
Grande efficacité. Cet essai mené au Botswana, au Kenya, au Malawi, en Afrique du Sud, en Eswatini (ex-Swaziland), en Ouganda et au Zimbabwe a été réalisé auprès de 3 200 femmes âgées de 18 à 45 ans présentant un risque élevé d’infection au VIH. Il a été arrêté avant terme car les résultats ont indiqué clairement la grande efficacité du médicament injectable, y compris en comparaison avec une prise quotidienne d’un comprimé. «Le risque de contamination au VIH était neuf fois inférieur avec une injection de cabotégravir qu’avec la prise quotidienne de Prep», a conclu l’essai. Des résultats impressionnants. «A l’instar d’un vaccin contre le Covid-19, nous devons à présent œuvrer pour que ces injections vitales soient accessibles, abordables et distribuées équitablement à toutes les personnes ayant opté pour elles», a répété l’Onusida.
Utilisés comme traitements (et non plus pour prévenir), les antiviraux par injection se révèlent là aussi très prometteurs. Le site d’info Aidsmap a ainsi réalisé une synthèse (que l’on retrouve en français sur Seronet) des données sur le traitement injectable qui ont été présentées lors de la récente conférence virtuelle IDweek (une conférence annuelle sur les traitements contre le VIH). Ces études soulignent «l’efficacité de l’association par voie injectable à libération prolongée d’une combinaison de deux molécules, le cabotégravir et la rilpivirine». Dans l’étude dite Latte-1, après un an, 98 % des personnes sous traitement injectable avaient maintenu une charge virale indétectable. Les études montrent aussi que le traitement injectable est bien toléré. «Une majorité de participants ou participantes ont déclaré préférer le traitement injectable au traitement par voie orale», souligne Aidsmap.
Reste la dernière phase : l’autorisation de mise sur le marché de cette thérapie qui doit maintenant être approuvée par l’Agence européenne du médicament. Chaque Etat décidant ensuite des conditions d’accès, du prix et du niveau de remboursement.
Axenordsudmedia/liberation