
C’était un samedi extrêmement triste. Dès pleurs traduisaient une profonde douleur. Car la mort venait de visiter la famille Kashwantale. Papa Urbain avait rendu l’âme en ce 19 janvier 2019. « Dieu a donné, Dieu a repris ».
Bouleversé, j’avais mis beaucoup de temps pour croire à cette triste nouvelle : Papa Urbain Kashwantale venait de quitter cette terre des hommes de manière si soudaine. Parce que quelques jours auparavant, un certain dimanche après-midi, j’étais allé lui rendre visite à l’hôpital Ngaliema Center près de Kintambo magasin où il était interné.
Quoique alité et en train d’être réoxygéné, il avait l’air en pleine forme. Comme de coutume, on avait échangé amicalement en présence de Francky, son fils qui était garde-malade. Avant de se séparer, Papa Urbain m’avait même donné le consigne que les journaux lui soient toujours déposés à la maison car il allait être de retour dans le courant de la semaine. J’étais donc reparti avec la ferme assurance de nous revoir au plus tard le mercredi dans son domicile sur la rue Biabu-Est à Bandalungwa.
Or, je ne savais pas que c’était notre toute dernière conversation. Il y a un temps pour toutes choses sous les cieux, disent les Saintes écritures. Papa Urbain Kashwantale avait l’habitude de se procurer quotidiennement des journaux de la capitale. Il aimait bien lire « Le Phare » et ‘Le Potentiel’ et quelques fois « L’Interprète ». S’informer faisait partie de ses priorités.
Cet homme d’une grande simplicité et amabilité était réglé comme une horloge. De bonne heure, il était debout. Il aimait l’ordre. Déjà vers 7 heures, son portail était ouvert. Habitant sur la même rue, je le rejoignais pour faire le tour d’horizon de l’actualité du pays.
Notre amitié était vieille de près de 17 ans. Lui se réveillait très tôt alors que des jeunes gens faisaient la grace matinée. Avec humour, il me répétait qu’il était de la vieille école, celle de l’époque coloniale. Ces liens étroits entre un vieux et un jeune homme étonnaient plus d’un.
Bienveillant et généreux, Papa Urbain avait aidé beaucoup de gens y compris moi-même au cours de sa vie. Chez lui, il accueillait tout le monde même des petits enfants du quartier. Pendant des longues heures de nos échanges, on abordait, sans langue de bois, quasiment tous les sujets.
Il nous arrivait de parler aussi de la mort. Papa Urbain croyait à la vie après la vie. Il me disait que la mort était tout simplement l’accomplissement des lois naturelles et qu’en aucun cas l’être humain ne devait se rebeller contre la volonté de Dieu. Attaché aux valeurs ancestrales, il était farouchement opposé aux « tralala' » lors des funérailles à Kinshasa, notamment les veillées mortuaires et les fameux bains de consolation.
La famille avait respecté sa volonté car il a été inhumé le jour même de la levée du corps, un certain mercredi 23 janvier 2019. Autrement dit, la veille de l’historique alternance au sommet de l’État congolais. Un peu plus d’une semaine après, son fils Roland, son successeur au niveau de la famille, a été élevé au rang de Directeur Général de la Direction Générale de Migration (DGM) par le Président de la République.
Aujourd’hui, les autorités congolaises lui ont emboîté le pas en matière d’organisation des funérailles. En raison de la pandémie de Covid-19, les corps passent directement de la morgue au lieu d’inhumation.
Papa Urbain me parlait aussi de son recrutement à la Banque Centrale du Congo, de ses rapports avec certains Gouverneurs de cette institution bancaire, de ses rencontres avec le Maréchal Mobutu, de ses nombreux voyages et missions de service dans les provinces (Katanga, Équateur, Kasaï, Bas-Congo…) du pays, etc. A titre d’exemple, cet ex-Directeur mettait en exergue les qualités de l’ancien Gouverneur de la BCC, Jules Sambwa.
Papa Urbain avait tant d’autres qualités : pas matérialiste, intégrité morale, franchise, l’humanisme, le patriotisme, le respect mutuel, la ponctualité, … Malgré plusieurs sollicitations, il n’aimait pas faire la politique. Lui et moi, on débattait de l’histoire de la RD Congo, des origines et vrais enjeux des guerres récurrentes dans la partie Est du pays, de la vie familiale, de la musique (classique), de la littérature, du mariage, etc. Il était donc pour moi une grande bibliothèque.
Voici deux années depuis que cet ami fidèle et patriarche modèle originaire de la tribu Shi dans la province du Sud-Kivu a tiré sa révérence. C’était à l’aube de ses 80 ans qui allait être célébré le 24 juin de la même année. 10 mois après son départ, en novembre 2019, j’ai réalisé son vœu le plus ardent, celui de me marier. A cette occasion, son fils m’a fait le privilège de rouler avec mon épouse Mireille à bord de la belle Mercedes du défunt. Histoire d’être en compagnie de ce grand esprit qui restera gravé dans nos cœurs pour toujours.
James Mpunga Yende